Circulaire du 30 janvier 2003 relative aux risques d'incendie ou d'explosion lors du stockage et/ou de l'utilisation de produits de traitement des eaux de piscine

NOR : SANP0330039C

(Texte non paru au Journal officiel)

Le ministre des Affaires sociales, du Travail et de la Solidarité

A

Mesdames et Messieurs les préfets de région (directions régionales des affaires sanitaires et sociales [pour information] ; directions régionales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle [pour information]) ; Mesdames et Messieurs les préfets de département (directions départementales des affaires sanitaires et sociales [pour attribution] ; directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle [pour information])

La survenue de plusieurs accidents dans des piscines (explosion dans un centre nautique ou départs d'incendie), en présence de pastilles chlorées (liquides ou solides, autorisées notamment pour la désinfection des piscines par l'article 5 de l'arrêté du 7 avril 1981 modifié fixant les dispositions techniques applicables aux piscines du code de la santé publique) utilisées pour le traitement des eaux de piscine, a été rapportée dans un article paru dans la revue Travail et Sécurité de l'Institut national de recherche et de sécurité (INRS) d'avril 2002.

Un certain nombre d'accidents ou d'incidents mettant en cause ces mêmes produits ont, par ailleurs, déjà eu lieu en dehors des piscines : notamment une explosion dans les caniveaux d'une entreprise, un incendie accompagné d'une émission de chlore chez un fabricant de produits de traitement des piscines ainsi qu'un incendie dans un entrepôt de stockage de ces produits, en présence de comburants. Ces produits doivent donc faire l'objet d'une vigilance particulière.

L'annexe technique ci-jointe détaille les produits chimiques concernés par la survenue des accidents, les utilisations principales de ces produits ainsi que les secteurs d'activité les plus susceptibles d'être concernés, les mesures de prévention et les dispositions réglementaires qui leur sont applicables.

Je vous demande de transmettre la présente circulaire, en liaison avec la direction départementale de la jeunesse et des sports, à l'ensemble des responsables et gestionnaires des établissements possédant des piscines soumises à la réglementation de l'arrêté du 7 avril 1981 modifié, pris en application du décret n° 81-824 du 7 avril 1981 modifié, dans chaque département, afin de permettre la mise en place des dispositions préventives décrites dans l'annexe technique.

Le cas échéant, lors de contrôles dans les secteurs d'activité concernés, elle sera un outil pour les services d'inspection et pourra être diffusée, pour information, aux employeurs et responsables d'autres établissements.

Pour le ministre de la santé, de la famille, et des personnes handicapées :
Le directeur général de la santé,
L. Abenhaïm

Pour le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité :
J.-D. Combrexelle


ANNEXE TECHNIQUE

1. Les produits chimiques concernés

Certains produits chlorés d'usage courant peuvent lors de leur mélange accidentel ou de leur humidification libérer dans l'atmosphère du trichlorure d'azote (NCl3) en quantité suffisante pour déclencher un incendie ou une explosion. Ces produits, notamment autorisés pour la désinfection des piscines (cf. art. 5 de l'arrêté du 7 avril 1981 modifié du code de la santé publique) sont à base :

*d'acide trichloroisocyanurique (ATCC) (n° CAS : 87-90-1) ;
*de dichloroisocyanurate de sodium (DCCNa) (n° CAS : 2893-78-9) ou de potassium (DCCK) (n° CAS : 2244-21-5).

Ces produits généralement commercialisés sous forme de pastilles ou de granulés peuvent être des comburants puissants. Les dichloroisocyanurates anhydres doivent notamment comporter l'étiquette des substances comburantes (qui porte le symbole et l'indication de danger « O-comburant ») ainsi que le symbole Nocif (voir notamment la fiche toxicologique INRS FT n° 220).

Il est toutefois utile de rappeler que ces produits comportent un certain nombre d'avantages par rapport aux autres sources de chlore (telles que l'eau de javel) au nombre desquels une bonne stabilité chimique au stockage, une présentation solide et concentrée (la plupart du temps sous forme de pastilles ou galets), une résistance aux ultraviolets et de meilleures conditions de sécurité et d'emploi.

Le risque chimique présenté par ces substances est principalement dû à une incompatibilité avec les dérivés azotés (comme, par exemple, des algicides, fongicides et des bactéricides) et les hypochlorites de sodium, potassium ou calcium. En effet, la mise en contact de ces produits en présence d'humidité avec des hypochlorites de calcium ou de sodium (eau de javel) ou des dérivés azotés entraîne le dégagement de trichlorure d'azote, une substance qui s'enflamme spontanément du fait de sa grande instabilité chimique.

Ces produits (acide trichloroisocyanurique, dichloroisocyanurate de sodium ou de potassium) ne doivent donc pas être mélangés avec les produits suivants :

*les produits de désinfection de piscine autorisés à base d'hypochlorite de sodium, de potassium ou de calcium ;
*les produits non autorisés pour la désinfection des piscines et pouvant être présents dans ces établissements :
* les agents réducteurs (sulfures, sulfites, bisulfites, etc.) et les matières combustibles (huiles, graisse, sciure, etc.) ;
* les dérivés azotés tels que l'ammoniaque et ses sels, les nitrates et les ammoniums quaternaires (de nombreuses préparations pour la désinfection et/ou la destruction des mousses et des lichens sur les plages autour des bassins contiennent du chlorure d'alkyl benzyldiméthylammonium).

2. Les utilisations principales de ces produits

Les dérivés chlorés des isocyanurates sont principalement utilisés pour :
*le traitement des eaux de piscine et des eaux industrielles ;
*l'assainissement et le traitement des textiles (blanchissage, traitement de la laine) ;
*la désinfection des eaux usées.

En ce qui concerne le traitement désinfectant des eaux, il vise à détruire les algues, champignons et bactéries susceptibles de se développer en milieu aquatique. Le produit se décompose au contact de l'eau pour former du chlore.

Les secteurs d'activité susceptibles d'être concernés sont les suivants :
*les fabricants de ces produits ;
*les distributeurs de ces produits ;
*l'exploitation et la maintenance des piscines, des hôtels, des centres de loisirs ;
*les producteurs de pastilles pour lave-linge et de pastilles pour piscines ;
*les secteurs industriels du traitement des eaux usées et des eaux industrielles ;
*les secteurs assurant le transport de ces produits.

3. Les mesures de prévention applicables pour ces produits

En ce qui concerne le stockage de ces produits (y compris lorsqu'il s'agit de déchets) :

* stocker impérativement les produits dans des locaux bien ventilés, à l'abri de l'humidité et de toute source de chaleur ou d'ignition ;
* stocker les produits à l'écart des substances facilement oxydables, des matières combustibles et stocker séparément tous produits susceptibles de réagir ensemble ;
* les locaux doivent être maintenus propres et régulièrement nettoyés, notamment de manière à éviter les amas de matières combustibles ;
* stocker les produits dans des récipients hermétiquement fermés, dans leur emballage d'origine, et lors de reconditionnement, vérifier que les récipients sont compatibles avec les produits ;
*limiter les quantités et le temps de stockage afin d'éviter une humidification lente ;
*vérifier que les conditionnements contenant les produits possèdent des étiquettes lisibles et en bon état.

En ce qui concerne l'utilisation de ces produits :
Les prescriptions relatives aux locaux de stockage sont applicables aussi aux locaux où sont manipulés les produits.

* limiter l'utilisation des produits incompatibles ; par exemple, pour la désinfection et chloration des eaux, choisir entre l'une des deux filières :
*les produits à base d'acide trichloroisocyanurique ou de ses dérivés chlorés ;
*ou les produits à base d'hypochlorites de sodium (notamment les eaux de javel), de potassium ou de calcium ;
*lire attentivement les informations données par les fabricants de ces produits :
*l'étiquetage figurant sur l'emballage du produit ;
* la fiche de données de sécurité du produit qui renseigne sur les principaux dangers qu'il présente, les précautions d'emploi, de manipulation et de stockage, les incompatibilités entre produits, les précautions à prendre pour l'élimination ou la destruction, la conduite à tenir en cas d'accident ;
*définir le poste de travail et les procédures d'utilisation du produit ;
*rédiger une notice au poste de travail ;
* informer le personnel des risques présentés par les produits (risque d'incendie, d'explosion et effets éventuels sur la santé) et des mesures de prévention à mettre en oeuvre lors de leur stockage et de leur utilisation ;
*prévoir une aération suffisante ou une aspiration d'air au poste de travail ;
* mettre à la disposition du personnel des vêtements de protection, des gants et des lunettes de sécurité (les équipements de protection appropriés doivent être mentionnés dans la fiche de données de sécurité du produit) ;
*avant tout transvasement ou toute dilution, vérifier la propreté du nouveau récipient ;
* pour effectuer une solution et éviter tout dégagement gazeux, ne pas verser d'eau directement sur les produits secs mais verser le produit dans une grande quantité d'eau ;
* ne pas laisser les contenants ouverts, après prélèvement, de façon à éviter le processus d'humidification, entraînant la formation de trichlorure d'azote, susceptible de s'accumuler dans un vase clos après fermeture ;
*ne pas manipuler dans un même lieu des produits incompatibles entre eux.

4. Rappel des principales dispositions du code du travail applicables

Pour les établissements relevant des articles L. 231-1 et L. 231-1-1 du code du travail, des obligations particulières s'imposent en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, notamment les références au code du travail suivantes : article L. 230-2 relatif aux principes généraux de prévention et les articles R. 231-54 et suivants, relatifs aux règles générales de prévention du risque chimique.

On peut rappeler notamment :

Dans le domaine des obligations des employeurs :

L'employeur doit transcrire et mettre à jour dans un document unique les résultats de l'évaluation des risques (art. R. 230-1) qui comporte un inventaire des risques identifiés dans chaque unité de travail de l'entreprise ou de l'établissement. Les informations données par les fabricants des produits font partie des outils indispensables pour réaliser l'évaluation des risques.

L'article R. 231-54-1 prévoit que, pour toute activité susceptible de présenter un risque d'exposition à des substances ou à des préparations chimiques dangereuses au sens de l'article R. 231-51, le chef d'établissement procède à l'évaluation des risques encourus pour la santé et la sécurité des travailleurs.

L'employeur est tenu d'établir une notice pour chaque poste de travail exposant les travailleurs à des substances ou préparations chimiques dangereuses. Cette notice est destinée à les informer des risques auxquels leur travail peut les exposer et des dispositions prises pour les éviter (art. R. 231-54-5).

Cette notice peut utilement s'inspirer des données fournies par les fiches de données de sécurité et devra donc préciser le risque spécifique d'explosion et d'incendie.

Les salariés affectés à des tâches comportant des manipulations ou utilisations de produits chimiques doivent bénéficier d'une formation à la sécurité répondant aux dispositions des articles R. 231-36 et R. 231-37 (art. R. 231-38).

L'article R. 231-54-2 prévoit que les emplacements de travail où sont utilisées les substances ou préparations chimiques dangereuses doivent être équipés de moyens efficaces assurant l'évacuation des vapeurs, des gaz, des aérosols ou des poussières.

L'article R. 231-54-4 impose la mise à disposition des travailleurs (susceptibles d'être exposés à l'action de substances ou de préparations chimiques dangereuses) d'appareils de protection individuels adaptés aux risques encourus.

Les caractéristiques des équipements de protection individuels adéquats doivent figurer dans la fiche de données de sécurité (conformément à l'article R. 231-53).

Dans le domaine des dispositions réglementaires concernant les produits proprement dits :

Etiquetage : les arrêtés du 20 avril 1994 (pour les substances) et du 21 février 1990 (pour les préparations) fixent les règles qui s'appliquent en matière d'étiquetage des produits chimiques. L'article L. 231-6 impose au chef d'établissement d'apposer sur tout récipient, sac ou enveloppe contenant ces substances ou préparations, une étiquette ou une inscription indiquant le nom et l'origine de ces substances ou préparations et les dangers que présente leur emploi. Il lui appartient donc de s'assurer de la reproduction de l'étiquetage sur les récipients lors du reconditionnement des produits.

Fiche de données de sécurité : les fabricants, importateurs ou vendeurs portent à la connaissance des chefs d'établissement et travailleurs indépendants utilisateurs de substances ou préparations dangereuses les renseignements nécessaires à la prévention et à la sécurité par une fiche de données de sécurité. Celles-ci doivent être transmises par le chef d'établissement au médecin du travail (art. R. 231-53).
Les fiches de données de sécurité sont un outil essentiel d'aide à l'évaluation des risques.

Références :
Code de la santé publique :
Décret n° 81-324 du 7 avril 1981 modifié fixant les normes d'hygiène et de sécurité applicables aux piscines et aux baignades aménagées ;
Arrêté du 7 avril 1981 modifié fixant les dispositions techniques applicables aux piscines ;
Code du travail :
Article L. 230-2 relatif aux principes généraux de prévention ;
Article R. 230-1 relatif à la transcription du document unique ;
Articles R. 231-54 et suivants relatifs aux règles générales de prévention du risque chimique (voir le rappel des dispositions essentielles applicables figurant en annexe) ;
Décret n° 85-603 du 10 juin 1985 modifié relatif à l'hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu'à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale.